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Petites chroniques d'hier
Commerces et maisons
Jusqu'en 1990 environ il était possible de faire ses courses à Dahouët : boulangerie (Boilet), toujours d’actualité, boucherie (Gouessant) et épicerie fournissaient le nécessaire. Pour l'épicerie on allait ou bien chez Madame Toublanc, Lucie pour les habitués, toujours affable, ou chez les Cassanet, avec Madame Cassanet et sa sœur, sorte de Laurel et Hardy locale, car si Madame Cassanet dont le mari, grand fumeur de gitanes maïs, imposait le respect parce que croupier au Casino, était plutôt grande, sa sœur était plutôt petite. On y était accueilli par un “et qu'est-ce qu'elle veut, la petite dame ?“ ou “Qu'est-ce qu'il veut, le petit monsieur ?“ qui laissait perplexes ceux à qui on n'avait jamais adressé la parole à la troisième personne! On avait aussi “Bonjour, les p’tits cocos !“.
La clientèle était relativement abondante, en partie parce que, sur les vieilles étagères en bois,
on trouvait de tout et que le camping à l'emplacement des Salines, derrière la belle rangée de sapins qui bordait le chemin du Lest, était très fréquenté. A cette période les vacanciers séjournaient sur place souvent trois ou quatre semaines . C'était le cas à l'Hôtel du Port, rue des Islandais, aujourd'hui des gîtes, où les clients revenaient chaque année, se retrouvaient et entretenaient des relations chaleureuses.
Désormais à Dahouët, pour faire ses courses on prend sa voiture, on monte à Pléneuf, on va au Val-André ou on file au Poirier.
Cependant, le samedi matin, et un petit marché, modeste mais de qualité, permet de renouer avec le temps passé.
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A l'origine il y a une table, une grande table de bois blanc placée sous l'auvent de La Pauline, la chaloupe de Dahouët, qui anime de ses voiles sang de bœuf et sa coque noire et blanche le port à marée haute. Cette table, comme l'auvent qui a remplacé un grenier à sel, dit “hangar à Morvan“, est un témoin des transformations au fil du temps de l'endroit. A l'origine elle était la table du Café de l'Hôtel de Bretagne, qui faisait face au bureau des douanes sur le Quai des Terre-Neuvas, et avait son arrière rue des Islandais. On mesure mieux l'animation du port, sa fréquentation quand on sait qu'au début du XXème siècle on avait à Dahouët trois hôtels et une dizaine de cafés, des “débits de boissons“. La table du café est donnée à La Pauline quand la famille Gouessant ferme la boucherie qui a succédé au café, lequel avait pris la place de l'hôtel. La boucherie existait déjà rue des Islandais, avec un abattoir.
Yves Sorgniard, qui habite toujours rue des Islandais, se rappelle que les animaux venaient des fermes des environs et qu'une grande cheminée permettait de fumer la charcuterie.
Ce qui est aujourd'hui le Bookl'Art, librairie de livres d'occasion, où les chineurs trouvent des pépites, a été, si on remonte le temps, une agence bancaire, le commerce de boucherie, et l'écurie qui accueillait les chevaux de l'Hôtel de Bretagne.
La table est toujours là, elle s'est déplacée de quelques mètres, elle est toujours utile...
Texte et recherche :
Yvonne Lagadec et Yves Rault
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Sur le quai dans les années 1950
Une tranche de vie, entretien avec Madame Yvonne Lagadec,
“ J'ai habité sur le quai des Terre-Neuvas, de 1948 à 1960, la maison Carfantan, belle bâtisse en pierre de 1850 , aujourd'hui partagée en plusieurs appartements, au numéro 48. A l'origine il y avait au rez-de-chaussée un magasin d 'approvisionnement pour les Terre-Neuvas, avec aussi la fabrication d'un “pain de marin“, de longue conservation. De là est née la première boulangerie de Dahouët, une boulangerie-épicerie. En 1948, la maison est achetée par Mathurin Lévêque, capitaine au long-cours, cap-hornier et ancien commandant du port de Dunkerque.
Cela correspond à un moment où, dans l'après-guerre, l'activité économique du port est réduite. La circulation automobile est inexistante et j'ai peine à en croire mes yeux quand je vois aujourd'hui toutes ces voitures alignées sur le quai et la fréquentation du week-end! J'ai le souvenir que nous vivions dehors, devant la maison. Quand j'ai eu mon premier-né, il passait beaucoup de temps assis avec son cousin du même âge , six mois, dans une grande bassine là où roulent aujourd'hui les voitures ! Bien avant, nous jouions sur le quai avec les enfants du voisinage, nombreux alors,  et les voisins se connaissaient tous. Un jour, mon frère aîné qui jouait au football tombe dans le quai vide, s'enfonce droit dans la vase. Il remonte par une petite échelle, noir de vase et intact! Nous nous baignions à la cale du bout du port, au pied de la Vierge et je me rappelle même mon père, que sa semaine exténuait, ceint d'une bouée de pneu de voiture, faisant la sieste dans l'eau, veillé par ses enfants. Il arrivait que de (petits) écarts de conduite mettent en émoi les parents. Un jour une poubelle contenant les bourriers, les déchets, avait été renversée et des enfants du quai conduits à la gendarmerie pour y recevoir une remontrance bien sentie...
Si on se baignait dans le port, on allait à la pêche aux lançons sur la plage du Val-André dans la nuit, et au retour par le Chemin des Celliers, dans le noir, on savait que la Boulangerie Boilet, à l'extrémité du port, en face de l'étang, était ouverte et on rapportait à la maison un pain tout chaud, avec la friture du déjeuner à venir...
Je me rappelle aussi que l'usage du téléphone était peu fréquent. Il n'en existait que deux exemplaires, l'un chez Boilet et l'autre dans les bureaux de la Maison Le Pêchon, qui jouxte aujourd'hui le hangar de La Pauline, le vieux gréement, l'ancien grenier à sel. Il s'agissait toujours évidemment d'une affaire d'importance.
Mais les jours les plus fastes étaient les jours de fête: le Pardon de Notre Dame-de-la-Garde en était un, vers le 15 août, jour de l'Assomption de la Vierge Marie. Il donnait lieu à cette époque à une procession impressionnante, avec une maquette de Terre-Neuvas portée par des enfants depuis la Chapelle de Dahouët. Le plus impressionnant était les bateaux pavoisés, le départ pour la prière aux disparus en mer avec les prêtres, dont les aubes volaient au vent, les couronnes de fleurs et les chants .
Beaucoup plus bruyante était la Fête de Dahouët, avec ses attractions magiques, surtout la course aux canards : des barques lâchaient des canards au raz de l'eau, les nageurs plongeaient ou sautaient du quai  pour tenter de les récupérer sous les yeux de la foule amassée.  Mais je me rappelle aussi le mât savonné, arrimé perpendiculairement au quai, sur lequel on s'aventurait, qui tremblait de plus en plus et, plouf, on tombait dans l'eau au moment où on était sûr d'atteindre l'extrémité, à la grande joie des spectateurs.
Les jours d'après  le quai nous semblait bien vide mais nous étions  contents, nos parents aussi d'ailleurs, d'avoir retrouvé le calme et de pouvoir recommencer à jouer devant la maison Carfantan.“


Texte et recherche : Yvonne Lagadec et Yves Rault
Photos : archives Régis Deretz
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Pardon du 15 aout, jet des gerbes de fleurs au large du port (année 50).